Une neige à gros flocon, collante, commençait à tomber sans bruit sur le flan du fjord. La lumière bleutée indiquait que la journée prenait fin, quand soudain… on vit s’approcher au loin, une forme titubante. « C’est un garde qui revient, c’est bon ». Haletant, entouré par un nuage, celui de son propre souffle, la masse informe se précisait: il agonisait et crachait du sang.
Personne n’eut le temps de réagir qu’un dernier son rauque sorti de son visage emmitouflé. On ne regardait plus son visage congestionné mais seulement sa main, tendue sur l’encadrure du porche. Cette main qui s’accrochait, comme pour dire dans un dernier message, qu’il avait au moins réussi à rentrer chez les siens.
Les habitants rejoignirent par petit pas feutrés, dans la neige et le silence, l’appel lancé par les gardes en poste. Nous étions là, par centaines, transis d’incompréhensions, près de la sinistre poterne des ruines du mur Nord, celle qui donne sur la Montagne grise.
Un petit groupe de garde au visage fermé, restait à garder le corps. Que s’était-il passé? Il était revenu mais pour nous prévenir de quoi? Quelles étaient ses blessures? Voulait-il nous prévenir de raids et pillages dans une vallée voisine? Ce n’était absolument pas la saison.
Un Yarl et des conseillers commencèrent à se rassembler près de ceux qui gardaient le corps. Personne ne savait ce qu’il se passait mais la façon de garder le corps n’était pas… habituelle.
Un groupe d’éclaireurs, impatient et volontaire, commençait de son côté, à préparer une colonne, armée, équipée pour plusieurs jours et torche en main. Pour mener l’enquête, il allait falloir reprendre rapidement la piste avant que la neige ne recouvre les traces et en savoir plus, sur la nature de la menace.
« Par les dieux des 8 mers, un blizzard nous empêche de voir à 2 mètres, ce ne pouvait donc pas être un raid de barbares ou de cultistes ». Notre angoisse grandissait: « où est la faction partie ce matin? cela fait plus de 4H qu’elle aurait dû être rentrée! »
Ma voix mêlée à celle des habitants, chuchotait cette même inquiétude.
Avec ces rafales de vents, s’ils avaient sonné du cor pour demander de l’aide, nous ne pouvions rien entendre. Le vent était mauvais, il étouffe « tous les bruits de la forêt. En hiver, ces vents du nord s’enroulent vers le sud et laissent derrière eux, pluies ou tempêtes. Et quand le vent tombe, c’est le froid glacial qui s’installe. Un froid si dur que des sons claquent dans les lacs.
Après 3H de marche, à détecter les traces de gibiers en fuite, nous avons retrouvé la faction perdue. Certains corps ont pu être retrouvés, décimés par des coups d’une puissance inconnues et d’autres avaient proprement disparus. Ou comme trainés en direction de la triste montagne qui se dressait au loin.
Des rafales de vent effaçaient rapidement les traces du carnage, la neige recouvrait le sang, les corps… On les récupéra pour que les animaux sauvages ne les emportent pas et que l’on puisse recueillir des « éléments d’enquête ». Ce n’était pas les barbares ni vraiment de la magie mais quelque chose de nouveau. Quelque chose de… primitif et brutal, comme si « quelque chose d’anciens avait explosé » là ». Quelque chose que quelqu’un avait emportée ou découverte? grâce à un objet ou un lieu en particulier? Le vent et la neige effaça les traces mais rien ne pouvait effacer que quelque chose de terrible s’était déroulé là.
On marqua la zone avec une pierre gravée, pour retrouver ce lieu. Après une longue marche silencieuse, on déposa les corps à l’entrée du camp, en isolement. Chacun connaissait ces consignes et combien cela était désastreux de faire rentrer une infection dans un village. La prudence, voilà ce que nous avons appris.
Chacun procéda à un lavement de ses armes et un brossage de sa tunique.
Je réalisais qu’aucun mage n’était disponible encore ce jour. Nous en aurions eu tant besoin.
Les jours suivants, nous avons pris le temps de poser la situation, interroger les anciens et surtout de pleurer les nôtres. Nous avions échangés avec des villages alentours pour les prévenir et consolider nos patrouilles.
Le soir, des feux sur les crêtes étaient dressés pour s’assurer de la présence de ces nouveaux gardiens.
Puis vient le temps d’honorer les morts, en les enterrant aux premiers dégels du printemps. Un clan voisin prépara la célébration, les voix des hommes résonnaient fort dans les sous-bois, couvrant les pleurs des enfants qui déposaient des pierres sur le tumulus.
Une fosse flambante fut allumée, pour se rassembler autour.
Les mains tendues au-dessus du feu, durant que les larmes coulaient sur nos joues et faisait briller nos yeux à la vision brouillée, nous entonnions:
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Les filles quittent définitivement le secteur de Val-Bise.
En route, discussion pacifique avec un Gobelin sur un squigg.
Pourparlers avec le Gobelin qui accepte de nous indiquer … les bons sentiers.